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Réévaluation des contrats publics en période d'inflation : stratégies et clauses essentielles
La citation « dans une crise, la seule chose prévisible, c’est l’incertitude qui suit. » d'Isabelle Luschevici, trouve une résonance particulière dans le contexte actuel marqué par une inflation notable.
Les contrats publics, qui ne sont pas à l'abri des fluctuations économiques, doivent être gérés avec une attention accrue pour assurer leur viabilité à long terme.
Cela est vrai pour tous les contrats publics et en particulier pour les contrats de transports publics conclus par les collectivités et entreprises publiques compétentes en la matière.
Cet article explore les stratégies et les conseils sur les clauses essentielles et nécessaires à intégrer dans les contrats publics pour une gestion efficace de l'inflation.
Seront abordées en particulier les clauses de révision et de réexamen des conditions financières des contrats face à l'inflation (1) et les raisons justifiant la modification des contrats en cours d'exécution notamment en cas de crise (2).
1. La révision des clauses financières : une nécessité face à l'inflation
L'inflation, phénomène économique complexe, a des répercussions directes sur les contrats publics.
Les crises successives, notamment les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient dernièrement, et l'inflation exceptionnelle qui en a découlé ont mis en lumière les lacunes des clauses de révision des prix dans de nombreux contrats.
Les pouvoirs adjudicateurs et les opérateurs économiques sont confrontés à la nécessité de compenser les surcoûts qui en résultent et de s'assurer que les clauses de révision sont adaptées pour l'avenir.
1.1. L'adaptation des contrats aux nouvelles conditions économiques
Face à l'inflation, les opérateurs économiques ont subi des surcoûts significatifs, souvent non prévus dans leurs contrats initiaux.
L'adaptation des contrats aux nouvelles conditions économiques est donc cruciale.
Le Conseil d'État, dans son avis du 15 septembre 2022, a clarifié les possibilités de modifier les contrats en cours pour mieux couvrir le risque d'inflation, en s'appuyant notamment sur la théorie de l'imprévision et sur les règles relatives à la modification des contrats.
La circulaire de la Première Ministre du 29 septembre 2022 et la Direction des Affaires Juridiques de Bercy ont apporté des précisions importantes qui permettent de prendre en compte les nouvelles données économiques et juridiques, ainsi que d'anticiper d'éventuelles nouvelles évolutions à venir.
1.2. Les clauses de révision et de réexamen : des outils contractuels clés
Les clauses de révision et de réexamen sont des outils contractuels essentiels pour répondre aux évolutions économiques.
Elles doivent être conçues pour refléter fidèlement les variations des conditions économiques et permettre une adaptation rapide et efficace du contrat.
Ces clauses doivent être représentatives de la structure de coûts du contrat et prévoir une fréquence de révision adaptée à la volatilité des prix.
Les pouvoirs adjudicateurs doivent ainsi surmonter les résistances internes pour reconnaître et compenser les surcoûts subis, tout en améliorant les contrats pour l'avenir.
Une bonne clause de révision est essentielle pour maintenir l'équilibre économique du contrat et assurer la continuité du service public.
La circulaire de la Première Ministre du 29 septembre 2022 insiste sur l'importance de clauses de révision de prix flexibles et adaptatives, sans terme fixe ni clause butoir, pour refléter fidèlement les fluctuations économiques.
Au lieu de se reposer sur la théorie de l’imprévision, qui ne permet pas de remédier durablement et avec anticipation aux difficultés liées à l'inflation, les parties peuvent prévoir des clauses financières ou les modifier, dans le cadre précisé par l’avis du Conseil d'État du 15 septembre 2022.
Il est aussi possible de modifier ou adapter d’autres paramètres du contrat, notamment son périmètre, sa durée ou ses conditions d’exécution, également dans le respect des règles de la commande publique afin que ces modifications n'entraînent pas une nouvelle mise en concurrence.
Une « bonne » clause de révision doit permettre de refléter les variations des conditions économiques du contrat.
La clause de révision se définit notamment par :
- des références ou des formules paramétriques représentatives de la structure de coûts du contrat, étant précisé qu'elles doivent être basées sur des indices représentatifs et ajustés régulièrement pour refléter les coûts réels et maintenir l'équilibre contractuel,
- une fréquence suffisamment rapide, étant précisé que si la fréquence n'est pas suffisante, la révision ne correspond plus à la réalité.
En complément des clauses de révision, des clauses de réexamen peuvent aussi être prévues afin d'adapter le périmètre ou les conditions d’exécution du contrat aux évolutions affectant des paramètres importants du contrat, tels que les coûts.
Deux types de clauses de réexamen existent :
- les clauses de variation des prix : lesquelles laissent la place à la discussion entre les parties contrairement aux clauses de révision ;
- les options claires, précises et sans équivoques (article R. 2194-1 du code de la commande publique).
Il importe de bien s'assurer de la validité de telles clauses durant leur rédaction et en amont de leur conclusion.
Pour être valides, les clauses de réexamen doivent préciser leur champ d'application et la nature des éventuelles modifications ou options ainsi que les conditions dans lesquelles les parties peuvent activer la clause de réexamen.
Ces clauses sont en tout état de cause manifestement dans l'intérêt de toutes les parties et du service public ou projet confié.
2. Les motifs justifiant les modifications des clauses financières
Les modifications des clauses financières sont notamment nécessaires dans le but de maintenir l'équilibre économique du contrat et le principe de continuité du service public.
Les pouvoirs adjudicateurs doivent prendre en compte ces arguments pour assurer la solidité et la pérennité des contrats.
En cas de refus des pouvoirs adjudicateurs d'adapter les clauses financières, leur responsabilité contractuelle peut être recherchée par les cocontractants.
Le principe de bonne foi contractuelle peut être invoqué pour corriger des clauses de révision inadaptées ou pour sanctionner un refus injustifié de modifier le contrat.
Il importe donc, avant tout refus de modifier les clauses financières du contrat, de s'assurer qu'aucune erreur d'appréciation n'est susceptible d'être commise.
En effet, si la modification des clauses financières n'est pas de droit, la circulaire de la Première Ministre du 29 septembre 2022 rappelle qu'il est désormais obligatoire d'insérer des clauses de révision des prix dans de nombreux contrats, dont les marchés de transports publics car il s'agit de contrats de plus de 3 mois affectés par les fluctuations des cours mondiaux (article R. 2112-14 du code de la commande publique).
Pour les contrats de droit privé, la renégociation est possible en vertu de l'article 1195 du code civil, offrant une certaine flexibilité face à l'inflation.
Conclusion : l'importance d'une gestion proactive de l'inflation
La gestion proactive de l'inflation dans les contrats publics est essentielle pour assurer leur viabilité à long terme.
Les parties doivent travailler ensemble pour adapter les contrats aux conditions économiques changeantes et prévoir des clauses de révision et de réexamen adéquates.
Cela permettra de traiter les conséquences financières de l'inflation et de préparer les contrats pour l'avenir.
La rédaction de ces clauses est parfois complexe, et un avocat compétent en la matière peut être particulièrement utile pour sécuriser le contrat et préserver la continuité du service public.
Le cabinet est à votre disposition en cas de besoin.
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Crédits photo :
Image de Markus Winkler tirée de Pixabay